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peluresdesoi

1 janvier 2011

R e n é e d e l a n u i t "Où est une petite

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R e n é e   d e   l a   n u i t

"Où est une petite lampe allumée,

je n'allume pas la mienne"

Voix Antonio Porchia

 

La petite fille de la première montée d'escalier a des sous-vêtements d'un blanc éclatant qui m'ont fait rêver à la visite médicale, la peau brune et les cheveux mousseux. Empilées l'une sur l'autre sur le couvre lit à fleurs, on s'embrasse les lèvres serrées sans respirer tétanisées jusqu'à l'asphyxie. On est fille et garçon à la fois, on joue à être l'un ou l'autre, on ne peut plus se passer du plaisir violent de ces étreintes qui ne ressemblent à rien d'une vraie copulation, sans caresses non plus ni mots doux. Si, elle m'enseigne à effeuiller les pâquerettes de la pelouse, à dire en même temps je t'aime, un peu, beaucoup... l'angoisse affole nos sens et fait battre nos coeurs d'animales. Pauline est paysanne et ronde, elle est la bonne santé. Le désir d'être pareille à l'autre me prend moi la si fluette, nous avons huit ou neuf ans. Je mâchouille une épingle à nourrice pour faire semblant d'avoir un appareil dentaire comme le sien chromé cerclant les dents du haut. Pauline a le visage étrangement prognate  et il le restera, enlaidissant peu à peu en grandissant et nos jeux s'éteindront ne trouvant pas de prolongement dans nos conversations banales, de cela  je serai longtemps navrée... amitié enfantine à la partition inachevée.



Je traverse aussi mais moins souvent sans doute ces creux de désespoir où l'on voit soudain s'élargir la ligne de démarcation et en plus quelque chose se couche en moi...Je régurgite tous les moulins à paroles infernaux, à prières, à poivre dans le nez, à vents sur les collines, les mamelons de la vie carénés comme des caravelles déconstruites ravagées par les perversions d'une marée monstrueuse et pitoyable.  Des éoliennes apparaissent splendides tandis que je m'efface... Je marche moins vite ralentie par le temps, moi qui courais enfant pour acheter le pain, (addicte à l'ivresse du sang qui pulse, à la respiration que l'on retient pour traverser 25 mètres sous l'eau à la piscine) A présent je traîne un peu et vois tant d'autres choses, je guéris le détail à ma façon mais je ne sais ce qui est beau ou laid, je n'aime que les apparitions, contrastes, transparences, l'opacité du vide de mon aimé, les mots sans pensées limpides et durs comme du caramel. Je détestais le tapioca de ma grand-mère avec la raie au beurre noir, je ne savais pas le tagine existait délicieusement acidulé. Mon seul sport c'est de croiser éclairs de fureur et de joie, les frictionner comme silex jusqu'au feu dans le tréfonds. Moi aussi j'ai été  programmée pour  être l'âme soeur et comme toi à l'enterrement de mes parents certains pleuraient leur bonté hors normes sans savoir qu'ils avaient surtout savamment scié nos défenses. Nous sommes des infantes éléphantes à la merci de tous les abus et je t'écris ces mots cachée sous l'abribus.




Le silence a pris de la place

La contemplation d'un oiseau, d'un ciel, d'un arbre. L'enfant n'en revient pas d'être déjà si vieille. Le blotissement revient. Les soirs mouillés d'automne, le regret la poursuit dans l'effort pour porter le bois, le seau, l'assiette, le bois. Elle dit : aimer quelqu'un alors qu'il n'est plus là, c'est encore nourrir la possibilité d'aimer...Peut-être que dans la bascule, il y aura quelque chose a étreindre, à embrasser, à renifler comme le col du veston du père. Tomber dans l'éternité d'une rencontre...Elle souffle en pianotant sur les âges de sa vie comme sur l'orgue à bretelles. Un peu de présent, trois souvenirs : par ce vilain temps  d'équinoxe, les doigts rêches de René glissaient sur mon genou... Je tourne les noix dans la bassine... nous ne nous quittions pas des yeux.. cette fois c'est Victor...ah ! l'amour c'est ma mauvaise herbe, il ou elle repousse toujours...à travers n'importe quelle terre, n'importe quel homme. Elle se visionne une brèche d'amour s'ouvrant dans le néant. Puis elle rit rajustant son bonnet : « suis-je bête de croire encore à tout ça ! »


Paul, elle aimait le regarder relancer le feu après le repas du soir, penché sur le poêle comme sur le ventre d'une déesse flamboyante, soulever délicatement les braises noires s'allumant peu à peu mordues par les  flammes. Les mèches de ses cheveux à lui rousses sur le col, son regard doux de ferronnier attisant savamment le désir. Il restait deux jours à la réchauffer puis repartait en fin d'après-midi par l'allée de noyers saluant de la main sans se retourner jusqu'en bas.

Elle ne souffrait plus d'aucune séparation, tout le vivant tournoyant à l'infini reprenait au contraire du relief, d'être seule à nouveau dans un petit coin du monde amenait un soulagement secret. Assise sur la marche de brique, elle apercevait la voisine le corps penché accomplissant son tour comme une horloge, le ciel blanc de pastel sec, l'ombre du chien étirée sur les flaques argileuses dès les premières pluies. Elle écrivait dans ce  qu'elle appelait son carnet de babioles.

« Temps gris et pluviotant de circonstance. Couleurs de plus plus chaudes en allant vers la froidure. Puis les feuilles tombent d'un coup si je me souviens bien. La poule faisane passe et repasse sous le noyer, petit dinosaure à plumes tranquille hochant la tête, toute vide et concentrée sur le picorage. L'écureuil infatigable tant qu'il reste des feuilles freine des deux fers : c'est quoi cette autre là, dodue aux ailes courtes ? L'instinct lui dit que ce n'est rien du tout. Certains se moquent des écureuils parce qu'ils ne savent plus où sont cachées leurs noix. Je pense plutôt qu'ils plantent pour les générations futures des forêts de noyers qui nourriront leurs arrières arrières arrières petits. »



rêve nordique


Tu ranges la coupe, tu la vois briller

dans l'armoire ,à côté des bougies

si les plombs sautent...

Tu reviens t'assoir dans la barque

fraîchement repeinte en vert.

Dans ta pensée les yeux de tous les enfants 

qui  brillent ou s'absentent rêveurs,

ils dessinent la carte du monde.

A Copenhague, les yeux fermés

d'une petite marchande d'allumettes,

c'est l'enfant du conte d'Andersen

elle dort joyeusement délivrée

du fardeau d'éclairer les choses,

Elle n'a plus rien à vendre à personne.

Elle attend le printemps prochain pour sortir,

comme les pousses de séquoia

du parc botanique.

Tu te lèves et tu sors de l'étang

avec les cercles en miroir

sous la pluie fine jusqu'au bord .



Renée de la nuit


Je suis dans la nuit de moi

pauvre aveuglée je ne vois rien

puis après longtemps quelque chose :

un fil de feu...

une rayure sur une tôle

laissée là par un autre

Ma main vient se poser à l'envers de l'endroit,

ça clignote et les doigts un à un

font avancer les bras,

c'est une danse, la nuit vacille

le rythme court dans la caverne

où goutte à goutte une flaque filtre.

Je remonte du bout des doigts

Re-née de la nuit.




 

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1 janvier 2011

R e n é e d e l a n u i t (suite) Sa vie en ce

quelques_gouttes_copie

 

 R e n é e   d e   l a   n u i t   (suite)                                          

 

Sa vie en ce moment est à moitié sous terre. Arc-boutée contre les courants d'air, jupe  en bataille .Elle  a pour son ventre un soupir navré,  un bouton restera désormais entrouvert...« Regarde moi ça ! » Le travail du feu la maintient debout, petit capitaine au long cours de sa vie. Plus de regret mais le froid plus mordant. Elle rajoute une écharpe à sa taille en frissonnant. Fin décembre de solitude mais elle s'amuse d'un rien. Tout à côté, du merle si beau sans le savoir. Il cherche drôlement sous les feuilles, les fait valser à droite à gauche, royal tout à coup se fichant sur la tête un large chapeau froissé crissant chargé d'insectes, il sautille en dansant sèchement sur le givre. 

 Renée et ses merles. Comment les aurait elle apprivoisés alors qu'elle est restée sauvage irréductible. 

 Les nuits, elle les traverse avec ferveur, les nuits. Elle retourne dans l'espace sous la terre. Il s 'est encore agrandi et et elle s'assoit près des petits animaux hibernants. Elle n'a pas de chapelet à rouler sous les doigts et pourtant, pourtant, elle se sait en prière. Sa prière ne s'adresse à aucun dieu, ne ressemble pas à ce qu'on lui a dit, prière ni sainte ni barbare ni éplorée ni salvatrice, elle s'y tient juste telle qu'elle est, ni plus ni moins, présence pure, chaude et misérable dans une éternité calme si puissante, recueillie loin de tout  sachant que Tout existe.

Quand elle s'endort enfin, la lune fait un dessin à travers le rideau.

                                                                                

 Renée de la nuit"

                                                                                                       est une oeuvre déposée

par La scabieuse

                                                                                                                  




 

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